Si les dinosaures organisent des tea parties et si les filles font du canoë nues dans les étoiles, il est fort à parier que Mrzyk & Moriceau sont dans le coup.
Le duo, qui commence sa collaboration graphique en 1999 après s’être rencontré aux Beaux-Arts de Quimper, fourbit ses armes en ingurgitant tous types de références visuelles. Clichés de magazines, télé, Google Images, cinéma SF ou SM, tout cela est malaxé et mêlé à des références plus arty. Leurs visions pop, souvent traitées en noir et blanc pour plus d’efficacité visuelle, se précisent à un moment où le dessin occupe une place grandissante dans la production artistique contemporaine.
De la feuille, Mrzyk & Moriceau s’émancipent vite vers le wall-drawing, pour des proliférations murales surexcitées, où chaque scène s’insère dans un flux continu, un storyboard onirique parfois tourmenté. Cette pratique leur permet d’apporter des réponses spécifiques au contexte architectural : invités au musée d’Art moderne de la ville de Paris en 2001, ils déploient un wall-drawing mutant d’un kilomètre de long, qui glisse le long d’une rampe d’escalier ou déborde sur le plafond, multipliant les scènes où les corps s’hybrident et se customisent dans un climat souvent surréaliste et volage.
Mrzyk & Moriceau collaborent aussi avec le monde de la publicité et surtout avec le milieu musical : des clips pour Air (Don’t be light, 2002 ; Sing Sang Sung, 2009), Philippe Katerine (Excuse-moi, 2006) ou Sébastien Tellier (Look, 2010), dont on retient le foisonnement d’images incisives et des transitions plutôt formelles et sensuelles que narratives.
Avec la même énergie vitale, ils explorent les ramifications de leur univers graphique dans la pratique de l’installation : les cadres de leurs compositions prennent du volume, se voient greffer des bras et des jambes, et deviennent de véritables acteurs de l’exposition qu’ils colonisent en tous sens. Ailleurs, ils interviennent sur des supports singuliers : pour une application iPhone ils développent un infini cadavre exquis numérique, univers compulsif où pullulent les mutations analogiques (2010) ; leurs images qui fusent à la vitesse d’un trait d’esprit, ils les font aussi dialoguer avec l’univers glitter noctambule de l’émission télé « Paris Dernière » (2011) ; pour le joaillier Le Buisson, en 2011, ils déclinent des bijoux décalés (une cacahuète en or blanc, une clochette qui cache un petit pénis…) ; à Brest en 2012 dans le cadre d’une commande publique autour du nouveau tramway, ils imaginent une série de tickets, où leurs dessins condensent des microfictions délurées dont les passagers seraient les héros…
Paradoxalement, dans cette boulimie de productions visuelles, Mrzyk & Moriceau tendraient plutôt vers l’épure : beaucoup de noir posé en aplat, quelques saillies lumineuses, et des motifs essentialisés. Pour Estuaire, ils signent leur première chambre d’hôte, Est-il bien prudent d’envoyer des messages aux extra-terrestres ?, où un plafond de nuit s’écoule sur des murs constellés de raretés entomologiques. Et pour Estuaire encore, le couple dresse sa première œuvre dans l’espace public, Lunar Tree, monumental arbre fantôme qui s’anime d’une vie lumineuse quand vient l’obscurité.
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Portrait © Éva Prouteau