« Un observatorium est un espace paradoxal dans lequel vous avez loisir de vous retirer afin de cerner votre relation avec le monde. Votre perception de l’environnement passe par l’examen de votre for intérieur. L’isolement est une forme de participation. » (Observatorium)
Murs anti-bruit, parcs urbains, prisons, terrils, gares, lotissements, autoroutes et patrimoine industriel : le champ opératoire d’Observatorium est pour le moins vaste et éclectique. Basé à Rotterdam, ce consortium regroupe trois artistes (Geert van de Camp, Andre Dekker et Ruud Reutelingsperger) qui, depuis 1997, ont décidé d’allier leurs sensibilités pour sculpter des liens esthétiques et philosophiques entre l’art, le paysage et certaines problématiques sociétales. Au lieu de créer des oeuvres autonomes dans l’espace public, Observatorium utilise plus volontiers le médium de la sculpture et de l’installation pour créer des espaces fonctionnels : il rêve ses projets en agoras, en biens communs, en lieux relationnels qui questionnent l’individu.
En 2007, le collectif dessine Perron Mozaïque, plateforme de 13 mètres de haut dans la gare ferroviaire Hofplein (Rotterdam), structure éphémère d’échafaudages habillée de moquette violette qui accueillera un festival de musique, des débats, des chambres à coucher, une aire de pique-nique et un point de vue renouvelé sur la ville. L’année suivante, ils perchent sur pilotis une bibliothèque et son mobilier peints en rouge monochrome, ensemble surréaliste placé juste à côté d’un musée où se déroule une exposition sur l’impact de la plus grande météore tombée sur terre (Épicentre, 2008).
Très réactif au contexte, le vocabulaire d’Observatorium se cherche ainsi à la croisée du design, de l’architecture et de l’art : à la Biennale d’architecture de Venise, ils exposent un grand white cube d’extérieur, où dix ans d’interventions sont présentés par axes dynamiques (murs, planchers, escaliers, podium, bibliothèque, jardin…) qui illustrent parfaitement leur méthodologie interdisciplinaire (Pausa, 2008).
Dans un esprit proche, l’installation Warten auf den Fluss (2010) articule cette transversalité de pensée, dans l’espace mais aussi dans le temps : au coeur du bassin de la Ruhr, très endommagé par des années d’industrialisation lourde, Observatorium anticipe un paysage « guéri » et construit un pont qui enjambe la rivière Emscher, égout contenu entre deux digues qui promet de revenir progressivement à l’état naturel. Dans cette attente d’une rivière retrouvée se lisent la poésie et l’esprit d’utopie qui nourrissent en profondeur le travail de ce collectif.
Car, douées de mémoire et porteuses de sensations, ces installations racontent leur environnement, inventent de nouveaux usages et interpellent les spectateurs devenus acteurs. Pour Estuaire 2012, Observatorium conçoit Péage Sauvage, à la lisière de cet accidentel miracle écologique qu’est la Petite Amazonie, dans le quartier nantais de Malakoff. Avec humour, Geert van de Camp, Andre Dekker et Ruud Reutelingsperger introduisent ainsi leur projet : « Que peut faire l’art dans l’espace public pour les oiseaux, les citoyens et les plantes ? »
Portrait © Éva Prouteau