Sculptures urbaines in situ, architectures de bois, land art, le vaste chantier de l’œuvre de l’artiste japonais Tadashi Kawamata rassemble, à chaque projet, une communauté joyeuse et mouvante, où vie quotidienne, méthodes de travail, questionnements et processus se partagent entre étudiants et habitants des lieux que l’artiste investit.
Clous, vis, planches, portes, chaises de récupération exclusivement en bois constituent le lexique matériologique a minima de l’œuvre monumentale et planétaire de Tadashi Kawamata.
Depuis la biennale de Venise en 1982, où, à 28 ans, il est le plus jeune artiste japonais jamais exposé, il déploie ponts, passerelles, traverses, cabanes et palissades prolifères, à la sobriété toute nipponne. Parasitant l’architecture dans ses moindres interstices, envahissant le paysage pour mieux le révéler, ses oeuvres de fortune font la démonstration, par la simplicité même de son matériau de prédilection et de ses infinies potentialités d’assemblage, de la fragilité et de la précarité du monde et des hommes.
Les reproductions de Favelas (Houston, Ottawa, Ushimado, 1991) rendent particulièrement compte de l’aspect social et humain, clef de voûte de son travail qui porte une attention particulière à l’histoire et à la géographie des lieux, autant qu’aux questions d’urbanisme et de (dé-)construction. Gandamaison (Versailles, 2008) déverse depuis une façade du bâtiment de la très classique maréchalerie une vague constituée de centaines de cagettes de légumes, telle une excroissance d’origine virale inconnue. Ses Tree Huts (parc des Tuileries, Fiac, Paris ; South Beach, Miami ; Madison Square, New York ; Galerie Kamel Mennour, Paris, 2008) se font refuges de méditation sur les cimes, nids douillets accrochés aux pignons d’un hôtel particulier, cabanes d’enfants rêveurs perchées dans les arbres des squares.
En délivrant de nouveaux points de vue en hauteur sur l’architecture, elles créent une autre perception de l’environnement, une autre expérience, celle de l’intime désir de se retirer du monde. Le Passage des chaises (chapelle Saint-Louis de la Salpêtrière, 1997) s’élève vers la coupole en une spirale totémique de chaises d’église, révélant une dimension mystique du travail, où le silence du lieu convoquerait l’ascension céleste de ces assises dénudées.
Ses ponts et cheminements de bois brut qui s’étirent horizontalement dans la nature, serpentant d’un point de vue à un autre, invitent à la lenteur, au mouvement concentré, à l’errance méditative…
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Portrait : Mai Tran – Revue 303 n° 106, “Estuaire, le paysage l’art et le fleuve”, 2009