Je serais douce

Invitée à penser une œuvre permanente accompagnant la transformation du site de la Persagotière, Sanam Khatibi envisage le paysage en bord de Sèvre comme le décor surréel d’une de ses peintures : la rivière, les rochers, les feuilles sur le sol, la lumière, la ruine d’un vieux mur en pierre, le chemin sous les platanes centenaires qui forment une voûte végétale et rappellent l’architecture complexe des cathédrales gothiques. Pour accentuer le caractère intemporel du lieu, l’artiste y place une géante en pierre.

Réalisée en peperino, pierre volcanique poivrée de quartz noir, la sculpture représente une géante nue de cinq mètres de haut, les pieds comme enracinés, dressée telle une cariatide. Impressionnante, elle surgit des eaux et de la terre. À la main, elle retient une anguille, corps qui ondule en silence pour se dissimuler, poisson migrateur qui renvoie au voyage liquide, au passage du monde physique au spirituel, au repos diurne et à la chasse nocturne. Dans sa main droite, des cœurs arrachés et offerts reposent comme des fruits. Refuge d’intentions intimes, il alerte d’un besoin urgent de protection. Aux pieds de la sculpture, des objets miniatures en bois brûlé (vases, bol, fruits, crâne enturbanné d’un serpent, grenouille…) sont autant d’offrandes d’un rite énigmatique auquel la géante invite. Le jardin qui l’entoure accentue le caractère protecteur et mystérieux de sa présence. Il se compose de plantes aux propriétés médicinales pour soulager différents maux : reine des prés, ail des ours pour digérer, grande berce, osmonde royale, aspérule odorante, épiaire, valériane, sauge, thym, absinthe, menthe… alors qu’au fil des années une mousse recouvre finement la pierre.