Le voyage en hiver
Partout dans Nantes
La nuit je vois
Vincent Olinet

Avec La nuit je vois, Vincent Olinet dessine le portrait d’une ville en suspens. En s’inspirant des ornements qui ponctuent les façades des bâtiments du centre-ville, l’artiste crée un catalogue de motifs et de styles architecturaux qui reflètent l’histoire de Nantes à travers les âges.

Les sculptures lumineuses sont suspendues aux façades des bâtiments, dans les rues et les places de la ville entre le Château des ducs de Bretagne et le Muséum d’histoire naturelle. Tour à tour, corniches, mascarons et consoles sont telles des apparitions lumineuses en apesanteur. Ce foisonnement est sublimé par un jeu de lumières, avec un spectre chromatique vif et éclatant. Les teintes insufflent une nouvelle vie aux façades familières des rues en en révélant leurs détails insoupçonnés.

Comme dans un décor de cinéma, les lanternes de l’éclairage public et les arbres se parent d’une palette pastelle. Dans cet univers onirique, des guirlandes viennent également créer cette année une scénographie lumineuse le long du cours des 50-Otages et de la rue Crébillon, générant des nappes de couleurs mouvantes.

Telle une nouvelle tradition, l’artiste invite à retrouver les éléments de la statuaire nantaise qui se sont échappés de leur emplacement initial. Que sont devenues les chimères ailées du Muséum ? Où le « Mouflon » du Jardin des plantes a-t-il pris ses quartiers ?

Parcours de 1,5 km – 600 moulures déclinées en 9 motifs – 100 consoles déclinées en 9 motifs – 41 mascarons – 35 façades spéciales – 16 sculptures monumentales

 

Nouveauté

Calendrier de l’avent signé Vincent Olinet

En vente au Bazar officiel du Voyage, rue des États (face au Château), à la librairie de la HAB Galerie et sur la e-boutique

Calendrier de l’avent signé Vincent Olinet

L’instant patrimoine

Plusieurs façades remarquables et sculptures ont nourri les créations de Vincent Olinet.
Ci-dessous quelques focus historiques :

Château des ducs de Bretagne
Les allégories du passage Pommeraye du sculpteur Jean Debay (1802-1862)
Le décor du passage célèbre la richesse de Nantes au 19e s. Des statues d’adolescents « songeurs » symbolisent l’industrie, le commerce, la marine, le progrès technique, l’agriculture, les beaux-arts, et le spectacle. Échappées de l’escalier du Passage Pommeraye, les allégories du Spectacle et de la Marine ornent désormais l’entrée du Château des ducs de Bretagne ! Leurs attitudes désinvoltes semblent défier les visiteurs…

Rue de la Marne
Sèvre et Cher, fontaine de la place Royale de Henri Driollet (1805-1863) et Daniel Ducommun du Locle (1804-1884) assisté de Grootaërs père et le fondeur nantais Voruz.
Après l’achèvement de la place Royale, le sculpteur nantais Ducommun du Locle propose d’y installer une fontaine. L’ensemble célèbre la prospérité de la ville, personnifiée au sommet, en marbre blanc, et reconnaissable à sa couronne de remparts. Huit génies assis sur des dauphins, évoquent les ressources et les activités de la ville. Au registre inférieur, la Loire est entourée par des allégories de ses affluents, deux féminines pour l’Erdre et la Sèvre, et deux masculines pour le Loiret et le Cher. Suspendus rue de la Marne, le Cher et la Sèvre prennent leurs distances avec leurs acolytes de toujours. Dans une posture nonchalante, ils semblent observer les passants du haut de leur casquette, à moins que ce ne soit l’inverse ?

Rue des trois croissants
Hauts-reliefs de la Maison du Change (15e siècle)
Située sur la place où se retrouvaient les monnayeurs (ou changeurs), elle est un des rares vestiges du 15e s. Les sablières, ces poutres disposées horizontalement, sont moulurées tandis que les poteaux et consoles de bois qui soutiennent chaque étage en saillie présentent des personnages sculptés. Ces hauts-reliefs de style gothique flamboyant sont difficilement reconnaissables, excepté peut-être le Christ portant la couronne d’épines (Ecce homo) et Sainte-Catherine. Elles s’échappent pour s’adosser à l’angle de la rue des Carmes et de la rue des Trois Croissants avec celui qui pourrait-être Saint Jean-Baptiste.

Place du Pilori, rue Crébillon, rue de Couëdic
Candélabres du cour Cambronne et du pont Saint-Mihiel
Avec La nuit je vois, Vincent Olinet fusionnent les candélabres du cour Cambronne et ceux du pont Saint-Mihiel en une forme mutante et onirique qui forme un ballet de lumières dans la ville. Les grappes qui composent cette version chimérique sont inspirées des lanternes carrées des candélabres du cour Cambronne. De conception rationnelle, ils sont ornés de motifs végétaux et leur lanterne est surmontée d’une couronne de remparts.
Les candélabres à triple lanterne ponctuant le pont Saint-Mihiel (1913) sont témoins d’une époque où le goût est encore à l’éclectisme et au foisonnement.
Avec leurs lanternes rondes et décor de chimères ailées, feuilles d’acanthes ou rinceaux feuillagés, ils constituent un exemple parlant du double rôle – sécuritaire et esthétique – alors assigné à ce mobilier urbain.

Place Fernand-Soil
Le cerf au repos du Jardin des plantes de Georges Gardet (1863 — 1939)
Extrait du groupe des Cerfs, cette sculpture du Jardin des plantes est acquise par l’État en 1910. Réalisé par Georges Gardet, reconnu comme l’un des plus grands sculpteurs animaliers réalistes, l’ensemble sculptural a connu une folle épopée. Déposée sous l’Occupation en 1942, l’œuvre n’est finalement que partiellement fondue. Le faon, le socle et le cerf sans ses bois subsistent. Mais ces éléments, découpés et arrachés, ont été déformés pendant le transport. Retrouvés en 1950, ils sont rapatriés à Nantes et sont un temps oubliés avant d’être retrouvés en 1981 dans un dépôt du parc du Grand Blottereau. Le faon est présenté seul à partir de 1994. Le groupe est finalement entièrement restauré en 2017. Vincent Olinet en dévoile une version majestueuse aux couleurs invraisemblables.

Rue du Couëdic
Chimères du Muséum d’histoire naturelle (1871)
Lorsque l’architecte Gustave Bourgerel rend son projet de façade pour le Muséum, il esquisse un fronton orné de part et d’autre de deux félins, finalement non retenus et remplacés par des chimères. Guillaume Grootaërs, sculpteur nantais, est désigné pour réaliser le fronton sculpté mais rien n’atteste que ce dernier ait conçu les chimères.
Dans la mythologie, ce sont des animaux fantastiques associant une tête et un poitrail de lion, un ventre de chèvre et une queue de serpent ; parfois, elles sont ailées.
Leur signification donne lieu à des interprétations variées : symboles des forces maléfiques, mystères de l’origine du monde… Au Muséum, leur présence sur un temple du savoir peut surprendre ! Peut-être ne faut-il y voir qu’un motif ornemental ?
Fuyant cette fonctionnalité, les chimères de Vincent Olinet sont descendues pour trôner en majesté rue du Couëdic.

Place Graslin
Uranie, muse du Théâtre Graslin
L’attique du Théâtre Graslin présente les statues de style antique de huit des neuf filles de Zeus et de Mnémosyne, figures inspiratrices des arts et de la connaissance.
En 1825 dans le journal Feuille commerciale, on peut lire : « Dominique Molknecht doit sculpter huit statues, destinées à être placées sur l’attique (…).
Chacune d’elles sera placée au-dessus d’une colonne ; et ce sont les muses. Mais on en compte neuf, et la décoration n’a que huit colonnes. Uranie sera donc exceptée : elle préside au spectacle céleste, fort supérieur à tous les nôtres. » Dans la mythologie,
Uranie est la muse de l’astronomie et l’astrologie. Vincent Olinet la restitue dès 2022 en synthèse de ses consœurs, avec ses attributs étoilés. Cette année, elle prend ses distances et installe ses quartiers sur un balcon de la place Graslin.

Place Royale
Mouflons à manchettes du Jardin des plantes du sculpteur Charles Valton (1851-1918)
En 1908, le conseil général sollicite l’État pour l’acquisition d’une œuvre de Charles Valton, sculpteur animalier alors renommé pour sa Lionne blessée exposée au parc Monceau à Paris. Intitulé Mouflons à manchettes, son plâtre a été repéré au Salon des artistes de 1908, et le sculpteur a accepté de l’adapter à une exposition en extérieur. L’œuvre est installée au Jardin des plantes. Elle fait partie du premier lot d’œuvres envoyées à la fonte sous l’Occupation. Avec les allégories de l’Histoire et de l’Art antique qui marquaient l’entrée du musée des Beaux-Arts, elle est déposée le 25 novembre 1941. Il ne subsiste plus aujourd’hui que le rocher qui constituait leur support. Sur les toits du marché de Noël, la sculpture du Mouflon à manchettes est aux aguets, comme pour retrouver sa famille ?

Quartier Bouffay
Façade 14, rue du Château (1673)
Nicolas Polas ou Paulus, seigneur du Fonteny, banquier, commande auprès de l’architecte et maçon Étienne Bedoy un nouvel hôtel. La façade présente une composition ordonnancée monumentale. Le portail d’entrée est surmonté d’une frise alternant triglyphes et métopes ornées de têtes de lions, de bucrânes et de fleurons. Le mascaron central à l’effigie d’un grotesque évoque la figure de Dionysos.
Façade 12, place du Pilori (1744)
Respectant le nouvel alignement adopté par la Ville, l’immeuble présente un avant-corps central souligné de deux balcons (autorisés alors sur les places et les quais seulement). Sur la façade, chaque baie est surmontée d’agrafes ou de mascarons. Ces derniers représentent des figures allégoriques : au centre, Éole ; au 3e niveau une évocation de Jean qui pleure et Jean qui rit, figures de la comédie italienne.

Quartier Graslin
16, Allée Duguay-Trouin — Temple du Goût
L’île Feydeau devient dans la seconde moitié du 18e s. le quartier des armateurs du commerce maritime lié à la traite atlantique. Le Temple du Goût est construit entre 1750 et 1755 par l’architecte Pierre Rousseau. Son décor sculpté monumental s’inspire de l’Antiquité tout en déclinant le « style rocaille » caractérisé par le jeu des courbes et des contre-courbes.
6, Allée Brancas
Sa façade néoclassique est ornée de mascarons de dieux grecs tels que Poséidon, dieu de la mer, et Hermès, dieu du commerce : symboles de l’activité maritime et commerciale de la ville. D’autres visages en rappellent la spécificité historique liée à la traite atlantique, via des allégories géographiques : une évocation de l’Afrique derrière les traits d’une femme noire, l’Amérique avec le portrait d’un jeune Amérindien coiffé de plumes.

Remerciements à Aurélie De Decker et Irène Gillardot – direction du patrimoine et de l’archéologie, Ville de Nantes – pour leur contribution.

Cette œuvre a été réalisée avec le soutien de : Atlantique Japon.
Remerciements aux syndics de copropriétés, propriétaires, habitants et hôteliers participants.

Le Noël de Vincent Olinet

Que représentent pour vous les fêtes de fin d’année ?

Les fêtes de fin d’année ne sont pas uniquement ponctuées par le folklore de Noël. Pour moi, c’est aussi une conclusion de l’année écoulée, une façon de se préparer à l’année suivante en se réjouissant autour de moments confortables et chaleureux. J’aime bien penser que ce rituel est plus ancien que nos fêtes contemporaines, quand les premiers humains observaient le solstice d’hiver comme le moment où le soleil cesse de décroître et reviendra vers nous.

Avez-vous un/des rituels particuliers ?

Oui ! J’ai gardé une grande affection pour les calendriers de l’avent traditionnels, avec leurs scènes enneigées et duveteuses recouvertes de paillettes. Aussi, parce que j’ai une ascendance alsacienne, tous les rituels avant Noël comme la Saint-Nicolas ou la confection de petits gâteaux viennent compléter l’ambiance. Même si je ne suis plus écolier (saint Nicolas est le patron des écoliers), j’attends toujours le 6 décembre pour savourer mes premières clémentines ! Enfin, de ma jeunesse lyonnaise, j’ai gardé des souvenirs émus du 8 décembre et de la Fête des lumières avec ses lampions aux fenêtres, et qui s’inscrivait dans l’attente interminable du 24…

Selon vous, en quoi Le Voyage en hiver s’inscrit dans ces traditions ?

Parce que le début de l’hiver est célébré par l’humanité depuis longtemps, il est normal que nos sociétés modernes continuent ces rites. Nantes est différente des autres villes, car elle se réinvente sans cesse, offre une large place à la culture et à la convivialité. Avec cet esprit, Le Voyage en hiver réinvente Noël, en proposant un folklore inédit qui peut-être deviendra lui-même tradition, sans rien enlever à l’esprit des fêtes, mais en s’y ajoutant.

Comment vos œuvres s’inscrivent dans ce contexte particulier ? Cela a-t-il eu un impact sur votre manière de penser l’œuvre ?

Bien sûr ! Pour La nuit je vois, je m’étais fixé comme cahier des charges des sculptures lumineuses, qui viendraient changer la vision de la ville pendant un temps déterminé. Parce que chacun s’attache à son folklore, je n’ai pas voulu reprendre de clichés particuliers propres à Noël, mais inventer au contraire de nouvelles traditions, à l’image du « Cerf » qui observe la ville depuis la place Soil, prêt pour son rendez-vous avec les Nantais. Et comme c’est une œuvre qui fait la taille de la ville, sans possibilité de répétition à l’atelier, c’est toujours très ardu de tout pouvoir envisager avant l’installation, mais les années passant viennent enrichir mon expérience et aident à la réinvention et à la poursuite de l’œuvre.

Êtes-vous pour ou contre les films de Noël ? Ouvrez-vous les cadeaux le soir du 24 ou le matin du 25 ? Bûche pâtissière ou bûche glacée ?

Pour ! J’avoue que regarder les films de Noël est un plaisir coupable, surtout qu’il est récent ! J’aime beaucoup ces intrigues faciles et heureuses, tournées pendant l’été dans des petites villes américaines ou canadiennes, et où il est toujours très drôle de regarder les efforts déployés par la production pour enneiger la ville à coups de ouate blanche et d’admirer leurs décos de Noël surchargées ! Pour les cadeaux, je fais partie de ceux que le père Noël vient voir en premier en ouvrant les cadeaux le 24 au soir, et je me range définitivement avec les partisans de la bûche pâtissière (mais j’ai un gros faible pour les marrons glacés ! ;))

Vincent Olinet est né en 1981 à Lyon. Il vit et travaille à Paris.